Le monde est bien chagrin. Il a tout de l’ébauche. Levé de son pied gauche, Il enterre le matin!
Le soleil tend ses bras, comme il peut. Il peine à répandre sa lumière. Elle frissonne, comme une étrangère, Dans le vilain gris-froid des cieux!
Les oiseaux, bien mal réveillés, tardent à s’envoler. L’herbe, fatiguée, met du temps à se redresser. La fleur et l’ouvrier ont du mal à s’orienter. Je baille, je vacille et je cours vite me recoucher.
Seul, le chant de la cafetière saura me faire lever!
Cette souffrance qui tente de sortir, quand je pense à toi ou quand je t’évoque à quelqu’un, je la connais.
Elle arrive à passer toutes les digues, parfois. Elle s’amuse à sourdre, intarissable, de tous les pores de ma peau, comme si je saignais continuellement. Elle me fout le plomb, aussi!
Elle est faite, d’une part, de mon manque de toi, de ce que j’ai perdu. D’une autre part, de ce que, toi, tu as perdu, de ta souffrance, de ta vie écourtée! Il reste la part, abyssale, que le monde a perdu, celle du chant de ta vie, la trace de ton chemin parcouru! Quel dosage chacune? Qu’est-ce que ça changera?
T’es mon p’tit? T’es mon frère? C’était à moi de te protéger; toi, tu m’obéissais. J’ vois pas trop la différence, à part ça! Tu disais ne pas vouloir me décevoir. Comment aurais-tu pu, Pierre?
Tu étais un, comme je le suis. Et j’ai été content de te connaître, toi, Pierre, mon petit.