Les limbes étaient mon domaine, autrefois. On m’a envoyé sur terre. Je ne sais pas pourquoi. On vous largue en pleine brousse, sans vous dire quoi faire. Si c’est un jeu, il est miteux. Il n’est vraiment pas clair.
Les limbes sont faites, à la fois, de tout et de rien. Ce n’est pas facile de les dire à quelqu’un qui n’en sait rien. Des mondes qui changent et renaissent, chaque matin. Un chaos salutaire, où tout est un choix. Tu te fais une forteresse, en claquant des doigts. Il y a toujours eu un monde pour chacun. Cela ne va pas changer avant la St-Glinglin. Chacun son monde privé, même s’il est incertain!
Dans les limbes, il y a Saturnin, Dévoreur de mondes et enfant de putain! Des mondes qu’il annexe, le maître est envoyé au loin. Au confins des limbes. Il n’y a pas plus lointain!
S’il approche des grands espaces que j’arpente, Je ne ferai pas que lui mettre un coup pied au ventre. Je me dis que j’ai faim et que je vais le dévorer, Lui, Saturnin, qui tant des miens a bouffé!
Les limbes ne seront pas ton cimetière. Pas de Repose en paix pour toi, là-bas. Saturnin, je te renvoie en enfer!
La première fois, elle m’a fait des fucks et s’est mise à danser, quand j’avais le dos tourné. J’ai du fermer mes dents pour que mon coeur reste en dedans! Encore maintenant, il y a des moments où mon ombre fait ce qui lui plaît.
Mon ombre est bien plus forte, à la lumière. Elle trépigne pour qu’on aille se promener. Elle s’étire devant. Elle s’étire derrière. Elle essaie, tout le temps, de se barrer.
Elle aurait foutu le camp, depuis longtemps, si rien ne la retenait!
Depuis le temps, on a appris à communiquer, elle et moi.
Je sais que je vais tomber, quand mon ombre est agitée. Ce n’est pas bon pour moi, quand mon ombre est aux abois.
On ne se sépare jamais. On s’est habitués, l’un à l’autre, tout compte fait.
En cette fin de matinée, les nuages s’accumulent et s’assombrissent. C’en est déjà fini de notre balade d’après-midi. J’observe dehors et je me surprend à penser à un nuage particulier. Un nuage tout petit et très gris!
Vous ne me croirez peut-être pas. Moi, je l’ai vu plusieurs fois. Il se tient au-dessus de quelqu’un. Il l’efface lentement de chagrin. On se retourne. On voit le nuage, au-dessous rien. On ne se rappelle déjà plus. On se demande s’il y avait bien eu quelqu’un.
Je le vois, de temps en temps, dans la foule, accroché à un passant. Un passant triste et lent! Le lendemain il ne vient plus au bar où il allait souvent.
Maintenant, je ne regarde plus le ciel, ou plus vraiment. J’essaie d’éviter. Quand la pluie ruisselle sur un chaland particulier, là, je lève les yeux et j’affronte le nuage pour qu’il ne puisse pas voler toute une identité!
Pour lui, tu es comme une terrine au chou, un bouvreuil. Le Glouton mange tout. Fais attention où tu marches, où tu mets les pieds. Le Glouton est partout!