La petite colonne de fourmis qui s’est infiltrée chez toi vient pour reconnaître; pour demain, pour ce soir, toute la colonie passera à l’attaque. Des milliers de fourmis se déverseront chez toi; tu seras écrasé sous leur simple poids. Les fourmis-soldats vont te découper et les ouvrières vont te mâcher et puis enfin te chier. C’est pas pour toi qu’elles viennent, c’est pour leur caca de toi; elles y feront pousser des champignons. Voilà, elles ne sont pas carnivores. Change pas leurs conditions; laisse-les tranquilles!
Pour un monde en péril!
Ce grand livre ouvragé,
Au doux parfum butyle,
Il me sert à ranger
Mon nécessaire d’exil.
Mes soucis, mes erreurs
Et le temps indocile.
Ce qui fait que la peur
Fait se coucher le Nil.
Mes haines, mes amitiés
Et le monde en péril.
Le grand rire du dernier
Et les chagrins subtiles.
Du respect pour l’honneur
Et des amours reptiles.
Un grand souci de l’heure
Et des hontes imbéciles.
Je vais y faire entrer
Des rires et des babilles.
Des vieux os à ronger
Et des oiseaux qui trillent.
Ce n’est pas par humeur
Que je fabrique une île,
Un rêve accroche-cœur
Pour un monde en péril!
Les rumeurs de l’été,
Vas-tu rester gracile?
Le grand cri du dernier,
Dans un temps immobile.
Après, tu mélanges tout!
« C’est de la chair de Limane, finement ciselée et cuite en serpettes. Quand il s’affole, le Limane, il se tient tout figé. C’est alors que l’on peut le peler et le trancher, tout debout-vivant. Une autre variété, qui est plus saisonnière, a le collet tombant. Là, tu as le corps de Nector; Nector, c’est le chien qui n’a peur de rien et c’est pour ça qu’il est mort. On en fera du pâté. Il y a trop rien à garder et c’est pas lui qui viendra finir les restes! Ça, c’est du gonflement, de pois et de froment, pour éponger le sang de la sauce rouge. Après, tu mélanges tout; tu les sers. »
Dans le sang de la terre!
Il grava des rivières
Dans la peau de la terre.
Il changea les gravats
En des maisons de rois.
Il arrosa les champs
D’un grand vent de printemps
Et il versa de l’eau
Sur l’été le plus chaud.
Il est parti, hier,
Ramener son grand frère.
Il est rentré, le soir,
Avec de grands yeux noirs.
Il a mangé un peu;
S’est mis auprès du feu.
Il desserre pas les dents
Et son frère est absent.
Il lava les chimères
Dans le sang de la terre.
Il régla le climat
Pour que ça bouge pas.
Et il montra les dents
Au démon du tourment.
On le tua dans le dos,
Quand il prit les drapeaux!
Il est parti, hier,
Retrouver son grand frère.
Il est rentré, le soir,
Avec de grands yeux noirs.
Il a mangé un peu;
S’est mis auprès du feu.
Il desserre pas les dents,
Comme son frère, en son temps.
Dans le coeur du soleil!
Une flèche s’est brisée dans le coeur du soleil
Et l’ombre de l’été n’apporte plus sommeil.
Le silence fait un bruit, toujours, quand il s’arrête.
Une flèche s’est plantée dans le flanc du soleil
Et le coeur s’est crevé, vrombissant des abeilles.
Le silence est un cri qui a gorge muette.
Une flèche s’est fichée dedans son coeur vermeil;
Le coeur s’est racorné, comme c’était pas la veille.
Le silence a un prix et, parfois, on l’achète.
Un peu comme ça était!
Mais, ça se passerait,
Quand il sera plus tard,
Un peu comme ça était,
Quand on disait bonsoir.
Un temps pour les regrets,
A vomir son caviar.
Je sais pas si tu sais,
Mais, dehors, il fait noir.
Mais, ça se passerait,
Au poisson les nageoires,
Un peu comme ça était,
Quand il est pas trop tard.
Fait un temps de navets,
A manger des trottoirs.
Je sais plus où tu es
Et je suis dans le noir!
Je crois, c’était des gens!
Sous un ciel de gris-orage, ils marchaient à-peu-près.
La vieille était chargée comme le serait un portefaix.
La plus jeune tirait la brouette et l’enfant chantonnait.
Vous pensez qu’ils reviennent des champs, des bois?
Vous n’y êtes pas, ils viennent de bien plus loin que ça.
Dans un coin, sous l’ombrage, la vieille cacha l’enfant.
La plus jeune courrait pour attirer, sur elle, les agents.
Ils ont enlevé la jeune et ils ont tué la vieille et l’enfant.
Cachez-vous de l’orage, quand vous êtes innocents!
Rien de pire que le Noir!
Cela a pu se faire
Et puis c’est arrivé,
Par le plus grand hasard.
Mon histoire vient de débuter,
Je suis à peine un tétard.
Si je veux me la continuer,
Je dois bouger mes nageoires.
Cela a pu se faire
Et ça va perdurer.
La vie va quelque part.
Mon histoire va se continuer,
Je fais parler mes mâchoires.
Je saurai me faire société.
C’est moi, le roi du bazar.
Cela a pu se faire,
Mais ça peut s’arrêter.
Rien de pire que le Noir!
Cette histoire que j’ai racontée,
Elle a ceci de bizarre :
On doit y vivre, pour la conter,
En digne fils du hasard.
La grande migration!
On encage la plaine.
On y fait une allée
Où les vaches de semaine
Viendront pour se garer.
Tout va bien dans la plaine,
Le bonheur est entier.
Et les vaches de semaine
S’appliquent à bien brouter.
Au centre de la plaine,
Il y a un musée
Où les vaches de semaine
Viennent se faire encadrer.
On est bien dans la plaine,
On y attend l’été.
Et les vaches de semaine
Se plaisent à bien bronzer.
Pas d’ombre sur la plaine
Où tout est desséché.
Et les vaches de semaine
Tardent un peu à douter.
Puis on voit de la plaine,
Dans leur camp retranché,
De ces vaches de semaine
Qui sont bien installées.
Dans un coin de la plaine,
Viendront se réfugier…
Et des vaches de semaine
De toutes les variétés.
Tout au bout de la plaine,
Une foule s’est rassemblée.
Et les vaches de semaine
Recommencent à migrer!
L’eau, source de profits!
T’as mis ta capote de tête
Et puis ton slip en plastique.
A barboter, tu t’apprêtes.
Tu vas en piscine publique!
Sûr que les temps ont changé,
Depuis que l’eau est privée.
Il n’y a que le pédiluve
Que l’on peut remplir entier.
Si, pour une douche complète,
Tu te rends aux bains publics,
C’est pas le temps de la fête.
Tu te laves en frénétique!
Sûr que les temps ont changé,
Depuis que l’eau est privée.
Le robinet de la cuve
Te sert tes minutes allouées.