Les flammes tourbillonnent en un flux lent; leur reflux est à peine perceptible. Le vent est parcellaire; il peigne les herbes. La chaloupe inclinée protège leurs yeux du phare; ils dorment sur des couvertures. Les craquements du feu sont les seuls bruits sur la grève. Le vent grelet parle à mes sens; ils sont toujours là-bas. Le soleil est jaune; une corneille se pose sur la chaloupe, à l’affût de quelque miette. Le temps passe lentement; un chien s’évade, en longeant la crête …
Tout au temps qu’on y est!
Papa, il ment un peu!
Papa, il court à deux,
Avec quelques amis.
Il mange encore très peu;
Il n’a pas l’appétit.
Papa, il n’est heureux
Que quand c’est mercredi.
Il me promène un peu;
Me montre à ses amis.
Papa, il boit un peu,
Le soir de mercredi.
Il dit qu’il est joyeux
Et que c’est beau, la vie.
Maman viendra, demain,
Me chercher pour l’école.
Et puis moi, dans tout ça?
On dit que c’est un prince!
On dit que c’est un prince
Qui a beaucoup d’allure,
Que, déjà, il en pince
Pour la Sœur la plus pure.
On dit qu’il est légat,
Ou bien un truc comme ça.
On dit qu’il fait la loi,
Quand il part au combat.
On dit que c’est un prince
Qui a beaucoup d’azur,
Que son œil se rince
Dans le bleu le plus pur.
On dit qu’il est paria,
Mais qu’on le savait pas,
Qu’il est un renégat
Et que ça se saura.
Son enveloppe mince
Est griffée de césures.
On attendait un prince;
On n’a vu que blessures!
L’enfant des marécages!
Il marche sur le chemin
Qui va aux marécages
Et il tient, dans sa main,
La peau de son visage.
Ce n’est plus un gamin,
Mais un enfant sans âge,
Depuis que les voisins
L’ont chassé du village.
Il a voulu, en vain,
Recoller son visage,
Le plaquant de ses mains
Et pleurât davantage.
Il quitte le chemin
Et entre aux marécages.
Il jette sa peau, au loin
Et se force au courage.
A la façon d’un chien
Qui sent venir l’orage,
Il s’endort dans ses mains,
Caché sous le feuillage.
Un reflet incertain
De la lune volage
Grava, pour le gamin,
Sur de l’eau, un visage.
Il cueillit, dans ses mains,
Son reflet d’enfant sage
Et le prit pour le sien,
Se donnant un visage.
Il est parti au loin,
Offrant, dans son sillage,
Tout l’amour que contient
Son cœur d’enfant sans âge.
Jamais, il ne revint
Dans son ancien village.
Moi, je sais qu’il va bien,
Qu’il a tourné la page.
Un peu comme un enfant!
Sous la peau, un squelette
Qui est tout replié.
Comme il a l’air honnête,
On va le chatouiller.
Un peu comme un enfant
Qui sourit en dedans.
Tout à coup, la luette
Se remet à vibrer
Et la voix du squelette
Se met à nous parler.
Un peu comme un enfant
Qui a pas toutes ses dents.
Lors, de sa voix fluette,
Le squelette nouveau-né
Dit sa peur de la Bête;
Il veut ressusciter.
Un peu comme un enfant
Qui a les yeux trop grands.
Comme il a l’air honnête,
On l’a bien réparé.
Depuis lors, il caquette
Et ne fait que chanter.
Un peu comme un enfant
Qui fait l’intéressant.
On a vu ses gambettes
Se remettre à guincher.
Il faut bien être honnête;
Le squelette sait danser.
Un peu comme un enfant
Qui gigote tout le temps.
Et, quand ses deux mirettes
Se remirent à briller,
On chanta, à tue-tête:
Un squelette nous est né!
Un peu comme un enfant
Qui a des yeux d’enfant!
Il attend, dans la cuisine!
L’enfant est doux et sensible.
Il attend, dans la cuisine
Et, parfois, il regarde l’heure.
Le poisson, dans son bocal,
Fuit son doigt à toutes voiles
Et ne parle qu’à son reflet.
Le chat qui a sursauté,
Quand le garçon est passé,
Se rendort à tout jamais.
L’enfant est doux et sensible.
Il relit, dans la cuisine,
Ton mot qui ne dit pas d’heure.
Poisson au beurre et origan!
Ça fait déjà 23 heures, petit enfant,
Que t’es sorti chercher du blanc, de l’origan.
Ça fait déjà 23 jours, petit garçon,
Que t’es sorti chercher du beurre et du poisson.
Ça fait déjà 23 mois, petit garçon,
Que t’es sorti chercher du riz et un citron.
Ça fait déjà 23 ans, petit enfant,
Que t’es sorti, que t’es parti et je t’attend.