Elle a l’air perdue, dedans sa salade
Et ses cheveux s’emmêlent un peu.
Lui, il a toujours un peu peur d’elle;
Il la reconnaît de toute sa mémoire.
Elle s’appelle Elle et il s’appelle Lui.
C’est le tournant de leur histoire …
Le vent poursuit la harpie!
A la Passe d’Amane!
« A la Passe d’Amane, tu verras l’étranger. Escorte-le jusqu’au village! » Aymeric a onze ans et il a l’esprit vif.
Jusqu’à leurs dix ans, les enfants restent avec les femmes ou ils vont à la rivière; on ne les fait pas travailler; mais, ils peuvent participer. Pour que règne le calme, deux vieux jouent de leur musique et regardent; souvent, les mamans fredonnent.
Aymeric a trouvé l’étranger. Un instant, il l’observe: ses longs cheveux, des yeux qui regardent, un teint lunaire. L’étranger prend ses affaires et rejoint l’enfant. Il est curieux de tout, car il ne connaît pas; il vient de là-bas. L’étranger porte à son cou un flûtiau. Aymeric n’en n’a jamais vu; mais, il sait que c’est pour la musique; il attend. Assis près du feu, l’étranger joue une plainte plaintive. Les deux vieux s’installent à son côté. L’étranger est debout; son pied frappe la cendre; le feu lance des reflets oranges.
A leurs dix ans, ils commencent à suivre la traque et comprendre la pluie; ils aideront un peu plus, aussi.
A la Passe d’Amane, Aymeric salue l’étranger. Il porte à son cou le flûtiau donné; un jour, il prendra la passe, pour visiter l’étranger …
Tu leur donneras la Clef!
Tout de suite, j’arrive quelque part!
Je me glisse dedans l’œil; tout de suite, j’arrive quelque part. Une chambre pour vieux, un matelas roulé sur un sommier en ferraille, une porte de placard ouverte. C’est qu’il m’a bloqué! L’endroit est transitoire; mais, c’est un accès. On est front contre front. Je ferme mes yeux pour le voir; il ouvre grand les siens. Maintenant, c’est dans les combles; ils ne sont jamais dans la pièce principale. Tout correspond au passé; il est en train de me montrer. Une boite en acier; dedans, une poupée morte, avec les yeux crevés …
La lune éclaire un peu!
Tous les arquets sont bons!
Dans le fond du jardin,
De l’aube, de la lavande
Et un bouquet de thym,
Le regard sur la lande.
Tous les arquets sont bons;
Il n’y a pas de traces.
Allons à la rivière;
Il y venait, hier.
Tout à côté du puits,
L’ombre des roses tendres;
Une chaise prend appui
Où le mur veut se fendre.
Le long piège à poissons
N’a pas changé de place.
Allons voir à l’étang;
Il y venait, souvent.
Dans le haut de la grange,
Des paupières se dessèchent;
Une faux, en alfange,
A côté d’une bêche.
Les lignes sont au fond;
Une d’elles se déplace.
Retournons par les bois;
Il y venait, parfois …
Tout au fond de l’aiguier,
Immobile, une perche;
Le lupin incliné
Que l’abeille recherche.
C’est pour ça qu’il vient!
Je chromatais le vieux,
Qui vient sur la jetée.
Il s’assoie, il comate;
On le dirait dormant!
Et cela, bien à tort;
Son chapeau a bougé.
Et cela, tout à tort;
Car il est regardant.
Il chromate l’horizon,
Distant et peu profond.
Son œil revient fixer,
Devant, le plat de l’eau.
Je chromatais le vieux,
Qui vient sur la jetée.
C’est pour cela qu’il vient;
C’est pour le plat de l’eau!
Dans une ombre-fraîcheur!
Dans une ombre-fraîcheur
Je dors à poings fermés
Une éternelle douceur
Vient pour me convoyer
Je voyais un indien
Quand tu m’as contacté
Et là, il est plus là
L’indien était serein
Et ses deux bras croisés
Il regardait tout droit
Dans une traîne en longueur
Passe un nuage bas
Et le vent de chaleur
Ne vient pas jusqu’à moi
Je poursuivais l’indien
Quand tu m’as appelé
Et là, je le vois pas
L’indien était lointain
Et comme évaporé
Il regardait vers moi
Je sors de ma lenteur
Et me fais un café
J’écrirai, tout à l’heure
Cette histoire à conter
Je rattrapais l’indien
Quand tu m’as rappelé
Et là, il reste là
L’indien est médecin
Et il sait shamaner
Ce qui n’existe pas
Dans une ombre-fraîcheur
Tous les deux, on s’assoie
La douceur éternelle
Ne se dévapore pas
Je revoyais l’indien
Quand tu m’as relancé
Et là, je ne sais pas
Il m’a donné, l’indien
De ses herbes concoctées
Il m’a montré le pas
J’ai écrit, tout à l’heure
Une histoire à conter
C’est pour toi, petit coeur
Que j’ai voulu rêver
Le machin, c’est la clef!
C’est comme une galerie
De portraits si vivants.
Il fait toujours la nuit
Et leurs yeux sont méchants.
Tu marches sur un tapis
Qui se gorge de sang
Et l’escalier te dit
Que ton pas est crissant.
Dans le creux de ta main,
Un genre de chose-machin,
C’est ce que le Devin
Dit d’avoir dans la main!
Tu n’es pas rassuré;
Le machin a bougé
Et, dans ton poing serré,
Il se met à siffler.
C’est comme une galerie;
Y’a des portraits méchants,
Encore, ici, aussi
Et des armes d’antan.
Tu poursuis le tapis
Et tu as froid aux dents;
La porte a, c’est ainsi,
Quelque chose de vivant.
Dans le creux de ta main,
Tu serres bien le machin.
Si on croit le Devin,
Y’a que ça qui va bien.
Tu n’es pas amputé;
Le machin a claqué.
Et, de ton poing serré,
T’essaies de le briser.
C’est comme une galerie,
Là, encore, comme avant.
Mais là, c’est vite fini,
Deuxième porte bois-vivant!
Tu retrouves le tapis
Qui s’enfuit, en chuintant.
Tout de suite, tu l’occis;
Tu trouves ça trop gonflant.
Tu ramasses le machin
Et le mets dans un coin.
Pour la gueule du Devin,
Si, jamais, tu reviens!
Tu ne peux pas entrer,
Car tu n’as plus la clef.
Tu n’es pas rassuré
Et tu voudrais rentrer.