La lune était voilée d’opale; le nuage flottait. Le soleil, au loin, était sur sa fin. Le vent était pâle et l’effraie appelait. Je voyais très peu d’étoiles. Le regain déroulait son parfum; j’entendais craquer les genêts. Mon frère allait arriver; il ramenait l’eau. J’étais persuadé d’avoir ramassé assez de bois.
Dans le sang de la terre!
Il grava des rivières
Dans la peau de la terre.
Il changea les gravats
En des maisons de rois.
Il arrosa les champs
D’un grand vent de printemps
Et il versa de l’eau
Sur l’été le plus chaud.
Il est parti, hier,
Ramener son grand frère.
Il est rentré, le soir,
Avec de grands yeux noirs.
Il a mangé un peu;
S’est mis auprès du feu.
Il desserre pas les dents
Et son frère est absent.
Il lava les chimères
Dans le sang de la terre.
Il régla le climat
Pour que ça bouge pas.
Et il montra les dents
Au démon du tourment.
On le tua dans le dos,
Quand il prit les drapeaux!
Il est parti, hier,
Retrouver son grand frère.
Il est rentré, le soir,
Avec de grands yeux noirs.
Il a mangé un peu;
S’est mis auprès du feu.
Il desserre pas les dents,
Comme son frère, en son temps.
Il attend, dans la cuisine!
L’enfant est doux et sensible.
Il attend, dans la cuisine
Et, parfois, il regarde l’heure.
Le poisson, dans son bocal,
Fuit son doigt à toutes voiles
Et ne parle qu’à son reflet.
Le chat qui a sursauté,
Quand le garçon est passé,
Se rendort à tout jamais.
L’enfant est doux et sensible.
Il relit, dans la cuisine,
Ton mot qui ne dit pas d’heure.
Poisson au beurre et origan!
Ça fait déjà 23 heures, petit enfant,
Que t’es sorti chercher du blanc, de l’origan.
Ça fait déjà 23 jours, petit garçon,
Que t’es sorti chercher du beurre et du poisson.
Ça fait déjà 23 mois, petit garçon,
Que t’es sorti chercher du riz et un citron.
Ça fait déjà 23 ans, petit enfant,
Que t’es sorti, que t’es parti et je t’attend.