— Alors, mamie-Casserole, que vas-tu mettre dans mon bol? — Ah toi, papa-Gâteau, tu me prépares quelque chose de chaud! –Aï,aï, maman-Espoir, tu ne vas pas me faire manger des choses bizarres? — Dis-moi, tonton-Frileux, qu’est-ce qu’on peut faire griller dans le feu? — J’en suis sûr, tata-Cuisine, encore une nouvelle confiture! — Pas toi, grande soeur-Déroute! Tes cakes de terre, je les redoute! — Et toi, papy-Grincheux, qu’est-ce que tu me proposes de mieux? Une tranche de pain avec, au-dessus, une couche de Rien! Mange ta main et garde l’autre pour demain!
Je crois que je vais mieux manger à l’école, moi!
–Dis-moi, copain Lakdar, je peux manger chez toi, ce soir?
— Dis-donc, mamie-Glaçon, tu pinces ta bouche jusqu’au front! — T’es cuit, papa-Pastis. Tu dors dans tes immondices! — Arrête, maman-Retard. Tu ne vas pas t’excuser jusqu’au soir? — Et toi, tonton-Renard, tu as niqué le voisin d’un hectare! — Je t’attendais, tata-Trottoir. Tu rentres toujours vraiment tard! — Arrête ton vice, papy-Malice. Tu vas finir à l’hospice! — T’es où, grande soeur-Ras le bol? Tu fuis la maison et l’école!
Il n’y a personne pour faire la bouffe, dans cette maison? C’est bon, je vais manger au McDo. Débrouillez-vous! Vivement que je me barre!
Des montagnes, des vallées, des forêts, des plaines!
Dans ce monde-là, je me sens chez moi. Les tribus ont un camp d’été, un camp d’hiver. Entre les deux, le voyage est extraordinaire! Je viens leur faire escorte, dans un sens ou dans l’autre, selon l’époque.
Cela fait trois jours que l’on a commencé ce périple. Le soir, le ciel est clair. On se repose du voyage, bercés par les étoiles! Autour du feu, derrière moi, un homme donne de la voix! Les tambours l’accompagnent. Il nous parle des montagnes où l’on essuie les grains! Je suis déjà passé par là, deux ou trois fois. Je n’ai pas hâte d’y aller. C’est moins drôle quand on est tout mouillé! Mais, il y a les cavernes pour nous abriter. On y est bien. Ce sont celles où vivaient leurs aînés!
Descente en pente douce pour au moins trois journées. Des arbres, pend la mousse rêche qui nourrira les feux. A manger, il y a baies, galettes et poisson séché. Une bière aigre, peu alcoolisée. Ils n’ont pas besoin d’elle pour s’amuser. Juste d’être ensemble, d’un peu d’humour et de complicité! Quand la lune se montre, ils se mettent à chanter, tambouriner et danser. La flûte vole dans les airs. Ceux qui sont fatigués peuvent enfin rêver!
Quand finit le voyage, je reste une semaine ou deux. Puis je reviens ici pour retravailler. Quand reviendront curiosité et envie de bouger, J’irai dans le dernier monde que l’on a créé. En quarantaine, par prudence, pendant deux cent cinquante années, il est ouvert. Les visites sont autorisées. J’ai envie d’y aller.
J’avance par petites touches de cinq à six pas. Ou, plutôt, je me laisse tomber en avant et trotte pour me rattraper. Je ne peux rien y faire. Je suis dans les Watt. Je marche de travers. La terre m’est étrangère. Je suis en train de décoller. Est-ce que je suis hors de terre? Ou, est-ce que je suis bourré? Je n’ai rien bu.