Qui a dit : « Je chie sur les états d’âme des grands. Je pleure sur la misère des petits! »
Bon, j’avoue. C’est moi!
Je ne sais pas comment dire ça, mais, seuls m’importent ceux qui n’ont pas!
Un sourire, un poème!
Mon père m’a dit de me comporter en homme. Il ne m’a pas convaincu. Ma mère me dit : « Oh, mon Fifi! ». Mes frères, quelque soit leur âge, me traitent de tante et de folle, ainsi que leurs copains. Je suis en terre étrangère. Je me sens vraiment seule!
Ce n’est pas que j’aime les hommes. C’est que je suis femme, dans un corps comme le leur. Quelqu’un a fait une erreur! Ma grande sœur m’a dit hier : « Moi, j’ai de la chance. Je suis belle et je peux plaire. Toi, ma Fifi, tu n’as vraiment pas de bol! »
Je suis femme dans un corps d’homme. J’ai seize ans!
« Bouh, bouh, bouh! », hulule le hibou emplumé. Quelle est cette souris étrange, sans poils et qui se dresse sur deux pattes? Je voudrais bien la gober. Mais, elle est trop grosse. Elle ne va pas passer!
« Sssi, sssi, ssi! », siffle le serpent rampant. Je voudrais bien l’avaler. Mais après, je ne pourrais plus avancer!
« Ouap, ouap, ouap », fait le renard rusé. Je voudrais bien la croquer, si elle était plus petite et ne savait pas marcher!
Il n’y a pas, dans nos bois, de bêtes qui pourraient te manger. Certaines peuvent parfois te blesser. Il suffit cependant de les connaître et de les éviter. Elles te craignent bien plus que tu ne les crains. C’est pour ça qu’on ne les voit pas. Elles nous fuient ou se cachent. Elles savent qui tient le fusil!
Tout ce que tu risques, dans les bois, c’est de te perdre ou bien de tomber!
Sur le quai de la gare, comme un chien apeuré, s’installe prés de moi, un Inquiet agité. Une de ces personnes qui parlent leurs problèmes à haute voix! Il a quelque chose à régler et craindre. On ne peut pas l’atteindre dans son enfer froid!
A côté de lui…
Assis sur un banc, un clodo buvait à son kil de rouge. Puis, il parlait au monde, à tout ce qui bouge, en souriant vraiment!
— Alors, mamie-Casserole, que vas-tu mettre dans mon bol?
— Ah toi, papa-Gâteau, tu me prépares quelque chose de chaud!
–Aï,aï, maman-Espoir, tu ne vas pas me faire manger des choses bizarres?
— Dis-moi, tonton-Frileux, qu’est-ce qu’on peut faire griller dans le feu?
— J’en suis sûr, tata-Cuisine, encore une nouvelle confiture!
— Pas toi, grande soeur-Déroute! Tes cakes de terre, je les redoute!
— Et toi, papy-Grincheux, qu’est-ce que tu me proposes de mieux?
Une tranche de pain avec, au-dessus, une couche de Rien! Mange ta main et garde l’autre pour demain!
Je crois que je vais mieux manger à l’école, moi!
–Dis-moi, copain Lakdar, je peux manger chez toi, ce soir?
— Dis-donc, mamie-Glaçon, tu pinces ta bouche jusqu’au front!
— T’es cuit, papa-Pastis. Tu dors dans tes immondices!
— Arrête, maman-Retard. Tu ne vas pas t’excuser jusqu’au soir?
— Et toi, tonton-Renard, tu as niqué le voisin d’un hectare!
— Je t’attendais, tata-Trottoir. Tu rentres toujours vraiment tard!
— Arrête ton vice, papy-Malice. Tu vas finir à l’hospice!
— T’es où, grande soeur-Ras le bol? Tu fuis la maison et l’école!
Il n’y a personne pour faire la bouffe, dans cette maison? C’est bon, je vais manger au McDo. Débrouillez-vous! Vivement que je me barre!
Et moi, qu’est-ce que je suis dans tout ça?
Une chenille verte, ça a un long corps, avec des pattes à l’arrière et des pattes à l’avant.
Des pattes-arrière et des pattes-avant avec, entre les deux, un long tube élastique qui lui sert de corps.
Quand elle marche, ça se passe un peu comme ça :
Elle assure ses appuis sur ses pattes-arrière, lance en avant son avant et atterrit sur ses pattes de devant. Elle lance son derrière vers son avant. Elle écrase ses pattes de devant avec ses pattes de derrière. Elle s’engueule et se met des coups de pieds. Elle ne peut pas rester sur place, sinon elle va s’entre-tuer! Alors, elle envoie son avant en avant, d’un coup de pied au derrière. L’arrière est obligé de suivre. Elle ne peut plus s’arrêter!
C’est pour ça que les chenilles vertes mangent autant. Ce n’est pas qu’elles ont faim.
C’est, qu’à être obligées d’avancer, elles doivent manger en marchant. Comme elles ne s’arrêtent jamais, elles n’arrêtent pas de manger!
Et je ne te parle pas de la galère pour devenir papillon.
Et on dit que la nature est bien faite!