Quand j’allais voir Sirène!


On était dans le champ du loin; on tirait sur des navets.
Maman, j’ai mal au dos.
Tu sais pas ce que c’est le mal de dos.
Vous, non plus.
C’était la voix de Jeanne, à genoux dedans ses raves, dans le champ des voisins d’à côté. « Le pruneau ratatiné, c’est grand-mère. », disait mon père.

Des fois, au lieu de jouer, je filais chez les voisins. Les parents et les enfants étaient aux champs; restait plus que la vieille. Je l’aidais à cueillir ses groseilles, courir son vieux chien d’hier et scratcher ses carottes. J’apprenais le silence. Elle avait des mots très doux pour parler aux êtres.

C’était un matin lointain; j’étais tout mouillé, tout seul et pas bien;
mais, je faisais le brave. J’ai ouvert sa porte, sans penser à demander.
Elle était devant l’âtre; elle peignait ses cheveux et elle chantonnait.
Ses cheveux sont devenus longs et blancs comme une traîne.
Un instant, j’ai pensé à une sirène et je suis resté coi.

Elle s’est saisie de moi, a jeté mon tee-shirt trempé et m’a séché avec une râpe. Elle m’a enroulé dans son châle et collé dans son coin dedans l’âtre, avec un chocolat dans un bol pour éléphant et trois madeleines. Elle a étendu mon tee-shirt, repris sa brosse et son chant là où ils en étaient.

D’habitude, c’est moi qui racontais les histoires et, là, chez elle, je me taisais. Moi, elle m’aimait bien; les histoires de village partaient dans les nuages. Jeanne, c’était son nom d’usage; un jour, elle m’a dit le sien.
Moi, ce sera Nathanaël; à l’époque, j’aimais bien les Angels.
Elle m’a dit: ça t’ira bien.

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