Des draps de poussière ont recouvert la salle. Le silence est blanc et j’avance prudemment. Le faisceau de la lampe se dirige vers la table. J’ai reconnu ton Sceau sur un carnet dormant.
Je me souviens ce qu’il disait, Grand-père: N’ai pas peur du loup! Il est pas méchant; il mange pas les enfants.
J’étais assis sur le toit de la cabane en bois. L’échelle restait là à demeure et le toit plat était l’endroit du frais du soir, de la vue et des instants. Le vent soufflait sur la lande. L’air était un peu frais et les ombres s’étendaient. La vie m’avait ramené là, trente ans après. Je venais d’hériter de mon grand frère qui était décédé, quelque part, au canada. A sa mort, Grand-père lui avait légué la cabane et ses droits sur les bois.
Grand-père était assis là, sur le toit. Il fumait sa pipe. — Il y avait un loup sur le toit, hier et même qu’il m’a regardé. — Il est toujours là. Oui, le loup, c’est moi. Tu t’en étais douté.
— Est-ce que je suis comme lui? Est-ce que je suis un loup? — Non, tu ne l’es pas. En tout cas, pas assez pour te transformer. Papa l’était et je le suis aussi. C’est Grand-père qui m’a tout appris. Je peux me contrôler. Sinon, tu serais ma proie et plus mon frère. C’est pour ça que Papa est parti.
Je redevenais enfant; je voyais bouger les gens, du haut de mon toit et mon frère me désignait: « Ce sera toi, le loup! »
Je fouille dans mon crâne et j’en ressors une arête. (j’aime bien le hareng fumé; faîtes pas chier, les femmelettes) Il y a du poil pour la voix. (apparemment, je suis un mec) Je sors un truc avec mes doigts et je le jette. (ne me demande pas) Il y a cette photo où je suis blanc-bec. (rigole pas, tu es là; ça nous rajeunit pas) Alors ça, c’est bizarre; on dirait un cerneau de noix …
Comment il me foutait les flippettes, lui, quand il racontait les histoires. Pourtant, il parlait pas à moi; il causait avec mon père; il était pas si tant plus vieux que moi. Il savait que j’écoutais. La dernière fois qu’il est venu, il a foncé droit sur moi; j’ai su qu’il allait partir, là-bas. Mes frères et moi, on lui a dit Au Revoir, autant fort qu’on pouvait; il a failli sourire; on a couru la voiture. J’ai connu mes larmes, ce jour-là!