— Est-ce que tu as une personne de confiance vers qui tu peux te tourner? — Oui, mon oncle! Mais, je lui ai pas dit car il va aller cogner mon père et il est beaucoup plus petit. — Il est comment, ton oncle? — Il est gentil, tout doux. Il a pas fait beaucoup l’école. Il me ramène des cailloux, quand il rentre de vacances. Moi, je les montre au prof ; comme ça, il apprend.
« A la Passe d’Amane, tu verras l’étranger. Escorte-le jusqu’au village! » Aymeric a onze ans et il a l’esprit vif.
Jusqu’à leurs dix ans, les enfants restent avec les femmes ou ils vont à la rivière; on ne les fait pas travailler; mais, ils peuvent participer. Pour que règne le calme, deux vieux jouent de leur musique et regardent; souvent, les mamans fredonnent.
Aymeric a trouvé l’étranger. Un instant, il l’observe: ses longs cheveux, des yeux qui regardent, un teint lunaire. L’étranger prend ses affaires et rejoint l’enfant. Il est curieux de tout, car il ne connaît pas; il vient de là-bas. L’étranger porte à son cou un flûtiau. Aymeric n’en n’a jamais vu; mais, il sait que c’est pour la musique; il attend. Assis près du feu, l’étranger joue une plainte plaintive. Les deux vieux s’installent à son côté. L’étranger est debout; son pied frappe la cendre; le feu lance des reflets oranges.
A leurs dix ans, ils commencent à suivre la traque et comprendre la pluie; ils aideront un peu plus, aussi.
A la Passe d’Amane, Aymeric salue l’étranger. Il porte à son cou le flûtiau donné; un jour, il prendra la passe, pour visiter l’étranger …
Deux enfants étaient là; je les ai entendu crier. Ces enfants que nul Ne réclame, je les veux; c’est combien? Tu veilleras à ce qu’ils aient Un bain, des habits, à manger chaud à la cuisine et tu leur donneras La chambre du fond; tu leur donneras la Clef. Demain, ils ont école!
Un vent hargneux se cogne aux arbres La brume s’étire en longs doigts continus Il n’est pas seul; un petit se serre contre lui Le chemin est long; la lune éclaire un peu Le grand boite bas et le petit est fatigué Ils ont les petits pas des oiseaux blessés Il fait froid; la neige écrasera le silence
Des draps de poussière ont recouvert la salle. Le silence est blanc et j’avance prudemment. Le faisceau de la lampe se dirige vers la table. J’ai reconnu ton Sceau sur un carnet dormant.
Comment il me foutait les flippettes, lui, quand il racontait les histoires. Pourtant, il parlait pas à moi; il causait avec mon père; il était pas si tant plus vieux que moi. Il savait que j’écoutais. La dernière fois qu’il est venu, il a foncé droit sur moi; j’ai su qu’il allait partir, là-bas. Mes frères et moi, on lui a dit Au Revoir, autant fort qu’on pouvait; il a failli sourire; on a couru la voiture. J’ai connu mes larmes, ce jour-là!
Il court; il s’occupe de boiter, dedans l’ombre noire. Vite, il quitte le chemin. Son genou trembloté s’effondre et l’assoit sur derrière. Il respire fort et s’appuie de ses mains. Des ombres sombres et pressées galopent le chemin. Il les suit de l’orée des bois, puis s’oriente vers l’est.