J’étais assis à une terrasse. Le monde était plat et terne. Le vieux à la table de droite a posé son livre et puis ses lunettes sur son livre. Il a récité le poème vers le ciel, pour le faire sonner. Je lui ai demandé c’est qui; il m’a dit le nom et le livre; on s’est pas plus parlé. Le monde était toujours plat et terne, mais aussi rempli de plein.
Elle a l’air perdue, dedans sa salade Et ses cheveux s’emmêlent un peu. Lui, il a toujours un peu peur d’elle; Il la reconnaît de toute sa mémoire. Elle s’appelle Elle et il s’appelle Lui. C’est le tournant de leur histoire …
« A la Passe d’Amane, tu verras l’étranger. Escorte-le jusqu’au village! » Aymeric a onze ans et il a l’esprit vif.
Jusqu’à leurs dix ans, les enfants restent avec les femmes ou ils vont à la rivière; on ne les fait pas travailler; mais, ils peuvent participer. Pour que règne le calme, deux vieux jouent de leur musique et regardent; souvent, les mamans fredonnent.
Aymeric a trouvé l’étranger. Un instant, il l’observe: ses longs cheveux, des yeux qui regardent, un teint lunaire. L’étranger prend ses affaires et rejoint l’enfant. Il est curieux de tout, car il ne connaît pas; il vient de là-bas. L’étranger porte à son cou un flûtiau. Aymeric n’en n’a jamais vu; mais, il sait que c’est pour la musique; il attend. Assis près du feu, l’étranger joue une plainte plaintive. Les deux vieux s’installent à son côté. L’étranger est debout; son pied frappe la cendre; le feu lance des reflets oranges.
A leurs dix ans, ils commencent à suivre la traque et comprendre la pluie; ils aideront un peu plus, aussi.
A la Passe d’Amane, Aymeric salue l’étranger. Il porte à son cou le flûtiau donné; un jour, il prendra la passe, pour visiter l’étranger …
Deux enfants étaient là; je les ai entendu crier. Ces enfants que nul Ne réclame, je les veux; c’est combien? Tu veilleras à ce qu’ils aient Un bain, des habits, à manger chaud à la cuisine et tu leur donneras La chambre du fond; tu leur donneras la Clef. Demain, ils ont école!
Je me glisse dedans l’œil; tout de suite, j’arrive quelque part. Une chambre pour vieux, un matelas roulé sur un sommier en ferraille, une porte de placard ouverte. C’est qu’il m’a bloqué! L’endroit est transitoire; mais, c’est un accès. On est front contre front. Je ferme mes yeux pour le voir; il ouvre grand les siens. Maintenant, c’est dans les combles; ils ne sont jamais dans la pièce principale. Tout correspond au passé; il est en train de me montrer. Une boite en acier; dedans, une poupée morte, avec les yeux crevés …
Un vent hargneux se cogne aux arbres La brume s’étire en longs doigts continus Il n’est pas seul; un petit se serre contre lui Le chemin est long; la lune éclaire un peu Le grand boite bas et le petit est fatigué Ils ont les petits pas des oiseaux blessés Il fait froid; la neige écrasera le silence