Alors, papy-cafard, tu grognes, car ta femme est toujours en retard! Elle est morte, il y a quinze ans, ta femme. Je me souviens du drame. Assied-toi, calme-toi! Si tu veux, on peut aller, ensemble, la chercher. Tout doucement, cet accès te passe. Tu t’endors, dans ton fauteuil!
Alors, c’est demain que, toi, tu vieillis? D’une année entière, d’un seul coup, youpi! C’est comme une reprise de boulot, le lundi. Un goût de dégoût qui écœure samedi!
Mais c’est pas grave, c’est qu’une fois dans l’année. On pense devoir parler de ton âge vrai, Alors, même, qu’il faudrait vite l’oublier. Ce sont deux symboles sur du papier glacé.
Pourquoi ne pas fêter, à tout instant, Une petite luciole, en plein avènement. Une auréole, dans la course du temps. Et ce beau voyage, c’est pour maintenant!
Dis-moi, mon grand, dis-moi, est-ce que tu peux me dire Que, dans ta toute nouvelle vie, tu peux enfin grandir? Dis-moi, mon grand, dis-moi, est-ce que tu peux me dire Que, dans ta nouvelle vie, tu es un peu heureux? Bien sûr, pour pouvoir gagner, tu dois perdre un peu. Mais, est-ce que tu peux vraiment te poser, sous peu? Peux-tu te préparer à voler comme tu le veux? Je t’écoute, je t’écoute, mon grand, que peux-tu me dire?
A la caisse, derrière une grand-mère. Un mètre devant, un mètre derrière.
Devant moi, à trois places, une vieille dame, asphyxiée par son masque, D’un pas bancal, chargeait, sur le tapis roulant, ses quelques affaires. Quand je me suis réveillé pour enfin aller l’aider, Il ne restait plus à charger qu’un pot de fromage frais. Je l’ai rattrapée dehors pour m’en excuser et l’aider à , si vous voulez. A charger ses courses dans le coffre de son auto d’hier. Elle m’a remercié et a décliné mon offre, d’un sourire léger. Elle me dit qu’il faut être, elle ne trouve pas le mot. Enfin se débrouiller par soi-même. Je réponds: autonome. Je lui demande son âge, si c’est pas indiscret. Elle me répond 84, je peux vous le prouver. Je lui dis: pas la peine. Vous êtes une merveille sur pattes! Elle me sourit, son nez sort de son masque. On se dit bonsoir et l’on rentre chez soi.
A la caisse, derrière une grand-mère. Un mètre devant, un mètre derrière.
J’en connais qui ne sauraient vivre Que dans un monde aux êtres sensibles. J’en connais qui ne sauraient vivre Que dans un monde aux belles âmes vives.
Il y en a qui n’ont pas peur de vivre, De ressentir, en êtres sensibles. Il y en a qui n’ont pas peur de vivre, Avec, sur leurs joues, des larmes vives!
Sur tes pattes arrières, Le menton bien haut, Tu descends sur terre, Dans ton caniveau.
La première araire, Le premier sillon. Un grand ver de terre Fonce vers l’horizon!
La grande fourmilière Et puis les marmots! En buvant ta bière, Tu ris comme un veau.
Ton rire de mainate Résonne bien haut. Et à quatre pattes, Tu marches de nouveau! . Tu te prends une bombe, Maladie de peau! On grave sur ta tombe, Le mot collabo.
Sur tes pattes arrières, Le menton bien haut, Tu descends sur terre, Dans ton caniveau.