Ah, bon dieu,
Quand j’y pense,
C’est beau comme un dimanche,
Ces années de navrance
Et de persécuta.
Oh, vain dieu,
Y’a gourance.
C’est beau comme une chance,
A être heureux d’avance,
Libre de l’idolât!
Un sourire, un poème!
C’est comme cet orphelin,
Dedans la maison d’un riche,
Élevé avec du grain,
A la salade de pois chiches.
Ou encore ce turlupin
Qui danse comme une godiche
Et qui regarde dans les coins,
Quand il reçoit son bakchich.
Pourquoi pas ce philistin
Qui va quérir les auspices
Et qui ne doute de rien?
Pour lui, douter est un vice!
Combien de contemporains
Se font aveugles aux supplices?
Ils font pousser des gamins,
Sans terreau fertile et riche!
D’un coup de faux, en tournant,
L’ange coupe la tête du manant.
De sa faux à grand tranchant,
Il tranche la fesse du passant.
Il s’excite, en tournaillant,
Fend le bide du tout-venant.
A force de couper en tranches,
C’est sa raison qui calanche.
De sa faux au bout des manches,
Destruction prend sa revanche!
Oh, viens-t’en, toi,
Le demeuré.
Que je te vois,
Miroir cassé!
De son beau nuage blanc,
L’ange tombe à terre, en criant.
La vérité des enfers
Le laisse sur son derrière.
Sur son beau cheval blanc,
L’ange tergiverse, en tremblant.
Si je cours à raz de terre,
Je serais près des enfers.
Sous ses longs cheveux tout blancs,
Le front de l’ange est souciant.
Mais qu’est-ce que va dire le père,
Si je ne défends pas ma mère?
Oh, tais-toi, toi,
Le demeuré.
Éteins ta voix,
Vise à côté!
Tu ris et tu confesses
Que tu n’ vas à la messe
Qu’en slip-kangourou.
Assis sur mes genoux,
Tu te mets à causer,
Toi, le petit bout d’chou,
Comme un marin pressé
Qui a des rendez-vous!
Tu rigoles de l’école
Où tes pensées s’envolent
Et te mettent dans les choux.
Assis sur mes genoux,
Tu te prends à rêver,
Toi, le petit bout d’chou.
D’être libre à tenter
Et libéré de tout!
Tu peux toujours rêver,
Tu peux toujours penser,
Toi, le petit bout d’chou!
Alors que je priais l’Espère,
Les deux genoux dans la rivière,
J’ai entendu l’Esprit de Sang
Me dire: Te voilà, mon enfant!
J’ai laissé mes dieux tutélaires
Se lamenter, dans la rivière.
Et j’ai suivi l’Esprit de Sang,
Me laissant porter par le vent.
Et du haut d’une tour austère,
Avec une narine étrangère,
J’ai senti l’odeur du vivant
Que me montrait l’Esprit de Sang.
Tes dieux ne sont que délétères,
Regarde la peur de tes frères.
Que dirais-tu d’être vivant,
D’adorer le Cristal de Sang?
Alors, les pieds nus sur la terre,
Je garde, dans mon nécessaire,
La belle chanson du vivant,
Un collier en larmes de sang.
Depuis, quand je crie à l’Espère,
Les deux genoux dans la rivière,
Je m’adresse à ces dieux-vivants
Qui ont si doux regards d’enfants.
Un moinillon d’amertume,
Affligé d’un livre blanc,
S’effaçait sous la plume
De ses douteux tourments.
Un grand marin d’aventure,
Déguisé en saint tout blanc,
Dictait les procédures
Et la couleur du temps.
Le moinillon d’amertume
Veut sa dose de printemps,
Et de l’amour en brume,
Pour colorer l’instant!
Un capitaine d’envergure
N’a que faire de ces manants.
C’est un travail plus dur
Ou pire qui les attend.
Le moinillon d’infortune,
Habillé en singe blanc,
Part chercher fortune,
Sur un monde différent!