— Tu te rappelles, l’année dernière, c’est là que tu es tombé, grand-père. Et moi, j’ai glissé et ça m’a collé contre toi. — Je m’en souviens et on a roulé plus loin. Je n’ai jamais mis autant de temps à me relever, tandis que toi!
— C’est parce que je suis jeune, que tu es vieux et que tu ne vas pas durer. C’est ce que m’a dit mon père. — Il t’a dit de profiter de moi et c’est pour ça que tu es tombé sur moi! Ce n’était pas une riche idée, ce jour-là.
— Je te promets que je ferai bien attention, quand je viendrai me coller! — Évite de me faire tomber. Ça devrait suffire.
Parlons de la reine-chauve. Est-ce que tu la connais, toi? J’en ai connu plusieurs, à venir chanter sur les toits. Il y a eu la une, puis la deux et la trois. De vraies reines de roi.
La reine-chauve était mal-entendante. Elle avait des varices, mais cela ne se voyait pas. Qu’elle était chauve non plus, sauf quand on regardait sous les draps. Son œil droit biglait un peu, quand elle était fatiguée.
Se lever chaque matin était, pour elle, un supplice. Elle se préparait longuement, se glissait sous les apparats. Elle entendait brouhasser la foule rassemblée, tout en bas. Elle devait gouverner, déjà, elle devait décider. La longue file des demandants s’allongeait, d’instant en instant.
Elle avait envie de pleurer, elle avait envie de leur crier : Si je suis reine, ce n’est pas par choix. Si je suis souveraine, qui me gouverne, moi? Tous, vous êtes mes sujets. Mais, moi, je ne suis pas sujet!
Parfois, elle ne les entendait plus, elle ne les entendait pas. Elle se rêvait en promenade, seule. Seule, sans excellence ni harnois. La reine taisait ses pensées. Toute pensée souveraine peut gravement offenser!
Une reine-chauve ne gouverne que le droit. Une reine-chauve, ça ne meurt qu’à petits pas. Requiem!
Non, pas ton conte des mille-ennuis. Quelque chose qui intéresse!
La princesse Mierda était une autruche. Elle était conne comme cent ans. Faut dire que les fées qui venaient de la ruche ne l’avaient pas loupée. Accessoirement, elle était gaufre-cruche, surtout quand elle voulait danser. Et, bizarrement, même ses ours en peluche faisaient ce qu’elle disait.
Le prince Grolant était lourd de puces. Son accent était troublant. Il était goéland devant, mais derrière c’était Bruce. C’était un prince changeant. Ce n’était pas pour ça qu’il était ventre-puce. C’était pour une question d’argent. Et pour les puces, il avait une astuce, c’est de se gratter souvent.
Le cheval Brêlois sortait de la bûche, mais il était bien matois. Plutôt que de porter une de ces deux cruches, il a filé par les bois. Et si il y a rencontré des embûches, jamais on ne le saura.
Je vous ai présenté les personnages. Vous voulez l’histoire ou on reprend le livre?
Je ne sais pas si vous écoutez vraiment, vous, quand on vous raconte une fable. Moi, pas! Je n’ai plus l’âge du cartable.
C’est d’un ennui, les fables. C’est triste et assommant, comme ce méchant coup de trique, sur le cul d’un âne. Et, même là, c’est déroutant. L’âne piétine comme un gland! C’était inévitable, on ne fait pas avancer un âne qui n’a pas soif. Va comprendre…
D’ailleurs, c’est très con, les fables. C’est bien un truc d’adulte, faut toujours que ça te fasse la morale. Même si tu n’es pas concerné. Qu’est-ce que j’en ai faire du cul de ton âne? Ou alors, faut aimer! Ou ne ne comprendre qu’à moitié et crachouiller sa fable, pour être bien noté.
Sûrement, je n’ai pas bien écouté, j’étais en train de rêver. A ton âne, je donnais de la salade. J’étais le dernier de ta classe. Après la dictée, tu me faisais monter sur l’estrade, pour aller y conter. Alors, moi, j’ai détesté. Je le faisais tomber, le maître-triquier, pour qu’il se casse un pied et avec l’âne, je partais en balade!
C’est fou comme c’est charmant, les fables, quand tu les racontes aux enfants, à l’heure de la récré, près du bac à sable!
Front-plat, Nez-creux et Doigts-palmés Allèrent, en cachette, se baigner dans la mare.
« J’espère qu’il n’y a pas de courant! » disait Front-plat. « Seulement s’il y a du vent. » lui répond Nez-creux. « Je ne sais pas nager. » a dit Doigts-palmés.
Au début de l’histoire, près de la mare, ils étaient trois…
Il marchait dans un champ d’herbe-flammèche. L’herbe cherche à s’accrocher à son poil barbelé. Le champ est jonché d’étranges corps momifiés. Avec le temps, on a compris comment le traverser. Il avançait prudemment, s’appuyant sur ses pieds. Des filets de sueur coulent dans ses poils dressés. Il allait traverser les landes, il était presque arrivé. Et déjà, l’odeur de la terre commence à lui parler!
T’es pas rentré dans l’eau que tu commences à couiner. Les frangins, qui t’arrosent, t’appellent poule-mouillée. Au bout de vingt minutes, tes vœux sont bien clarifiés : Pendant que vous vous noyez, moi, je reste à échasser.
La grâce vient te visiter et tu t’emmêles dans tes pieds. Et tu te fais le grand plongeon, dans cette eau sinistrée. Tu te remues dans l’eau, en apnée, tu reviens t’échouer. Tu restes assis, le cul dans l’eau, tu t’amuses à bronzer.
C’était hier ou bien le printemps dernier. Là, c’est en été. Ce matin, à la fraîche, on y est retournés. Tu t’es baigné. Moi, je la trouvais un peu froide, alors j’ai un peu hésité. Tu m’as dit: « Elle est bonne, tu devrais aller te tremper! »
Les jolis baptêmes que les gamins se font par eux-mêmes!